Mes blessures, mes maîtres

Bonjour  🌞

J’ai un spondylolisthésis depuis mes 19 ans : ma dernière vertèbre lombaire s’est séparée de mon bassin et a glissé vers l’avant suite à trop de contraintes sportives en hyperextension (pratique du bodyboard) – un genre de fracture de fatigue. C’est douloureux, mais ce n’est ni rare, ni grave (dans mon cas). Bon, il faut dire qu’une année avant je m’étais fracturé une vertèbre dorsale lors d’un accident de voiture, je pense qu’à ce moment mon dos était globalement fragile – il existe aussi des prédispositions génétiques au spondylo.

Après une phase aiguë assez pénible et une rééducation de quelques mois, j’avais pu reprendre ensuite une activité sportive continue et variée moyennant quelques aménagements pendant les épisodes récurrents d’irritation lombaire.

Quand j’ai commencé le Yoga autour de mes 30 ans – pour d’autres raisons – j’ai petit à petit développé le ressenti de cette zone en travaillant la mobilité de ma colonne, de mon bassin et de mes hanches – merci la conscience du périnée et du transverse 🙂

 Je pense que le travail sur la respiration a aussi joué un rôle important, mais au final un des bénéfices non attendus de la pratique fût la quasi disparition des lombalgies.

Durant la vingtaine d’années suivantes, j’ai eu quelques problèmes de rachis, notamment trois entorses cervicales (consécutives à des chutes en surf), et des soucis costaux à la charnière lombo-thoracique (ah tiens le surf, encore). Mais au final tout ça tient encore à peu près le coup 😀 et à 54 ans je suis sincèrement reconnaissant de la résilience de mon dos! Mais, bon, malgré tout, shit still happens.

Il y a quelques semaines j’ai reconnu d’anciennes sensations douloureuses à la jonction sacro lombaire après une pratique de Yoga passive en extension (chose que je ne fais jamais habituellement), une séance de course à pied le lendemain, et un coup de surf ensuite – oui ça fait beaucoup c’est vrai 🙂

 L’équilibre était rompu : un mois de douleur et d’atermoiements, de reprise et de mise au repos le temps d’un jour ou deux, jusqu’à ce que l’arrêt finisse par s’imposer. Le corps finit toujours par gagner.

Depuis deux ou trois ans je suis dans une période de changement profond sur plusieurs plans, l’instabilité a fini par gagner mon corps. J’essaie de tout accepter, la douleur, l’incapacité de faire certaines choses, ainsi que la culpabilité de ne pas avoir su (ou pu) dire stop un peu plus tôt.

L’image du prof de Yoga en éternelle bonne santé est aussi présente dans les esprits – et les réseaux – qu’elle est fausse, bien sûr. Les Yogis sont des humains comme les autres, c’est même ce qui les caractérise à mes yeux. Le Yoga certes avec ses techniques permet au corps de fonctionner à haut régime, un temps du moins, et de favoriser la création de la joie associée à sa vitalité. Mais le Yoga doit aussi permettre de fonctionner à bas régime, de vivre avec une même présence la douleur, la peur.
Autant d’accueil, un sacré travail !
Au milieu des idées noires au plus sombre de la nuit quand la douleur me réveille, cette distance s’installe, parfois. C’est nouveau pour moi, et j’y trouve un réconfort. Conserver l’attention ouverte, curieuse, non réactive, y compris à sa propre détresse, aux tensions que je tente de lâcher. Ah, ça, les occasions ne manquent pas, de lâcher… Lâcher les plans futurs qu’on voit vaciller. Lâcher l’image de soi qu’on essaie de porter vers l’extérieur. Lâcher celle qu’on essaie d’imposer à l’intérieur.

Encore, et encore, je focalise la conscience sur le souffle. J’explore de l’intérieur les liens étroits entre les rotateurs externes de la hanche, le psoas et le nerf sciatique. J’apprends avec mon kiné à engager en raccourcissement, à renforcer ce qui a peut être eu trop l’habitude d’être étiré. J’observe la complexité des évolutions perpétuelles des signaux de la douleur, leurs liens avec mon état émotionnel. Et, surtout, surtout, j’apprends à trouver la bonne distance par rapport à mon corps, à laisser faire la nature, à trouver du repos.

Je suis donc à l’arrêt en ce moment, vous l’aurez compris, néanmoins la vie continue, ses leçons aussi, et la pratique du Yoga également 🙂

Je vous dis à très bientôt j’espère, sur un tapis ou à l’eau 🌊🙏

Alexandre