Yoga et carte professionnelle d’éducateur sportif

J’ai suivi en 2023 une formation pour obtenir une carte professionnelle d’éducateur sportif en activités gymniques. J’enseigne le Yoga depuis 2017 et je n’avais pas l’intention de m’orienter vers une autre discipline. En France, l’enseignement du Yoga ne dépend d’aucune réglementation : chacun peut se déclarer comme professeur et dans un cadre légal animer des pratiques de Yoga dans des associations, des structures privées, en indépendant, …, voire même proposer des formations pour enseignants de Yoga.

Et je trouve cela plutôt bien, dans les grandes lignes, car même si cela peut nuire à la qualité et à la lisibilité de l’offre des pratiques, je crois que la liberté individuelle doit prévaloir dans le cadre de l’enseignement du Yoga. C’est à chacun de savoir s’il a quelque chose à transmettre, de manière sincère en fonction de sa propre pratique, des enseignements reçus et de son propre chemin de vie. Et puis qui pourrait décider que telle ou telle personne propose un enseignement “juste”, ou non ?  

Le Yoga n’est pas un sport, ni une activité physique à part entière. Même si la majorité des pratiques de Yoga aujourd’hui en France et dans le monde ciblent d’abord et principalement le corps, une pratique aboutie intègre aussi un travail sur la respiration, et, bien sûr, le mental, le tout en appui sur la philosophie sous-jacente. 

Qui plus est, les pratiques étant tellement riches et variées, il paraît très difficile (allez, disons le, impossible) d’établir un cahier des charges à partir duquel on pourrait juger la validité de tel ou tel enseignement. Ce serait même aller à l’encontre de ce qu’est le Yoga : la recherche de la manifestation de quelque chose qui tient de la liberté absolue, résidant au-delà des mots.

J’ai commencé à pratiquer le Yoga en 2002 avec Gérard Dartois qui n’a pas de “diplôme” en Yoga, mais en sa qualité d’élève d’Arnaud Desjardins et Daniel Roumanoff, Gérard a naturellement transmis autour de lui ce qu’il avait appris auprès de ses maîtres, “à l’ancienne”, sans en faire sa profession d’ailleurs. Avant de commencer à enseigner j’ai suivi plusieurs formations en Yoga afin de me sentir suffisamment légitime et/ou posséder les outils pour mieux adresser des publics à besoins spécifiques. Depuis, je continue à me former, pour un total aujourd’hui d’environ 1000h. Le Yoga s’inscrit dans un temps long, c’est une pratique de vie. Pratiquer s’apprend, faire pratiquer s’apprend également, même si on ne peut réellement transmettre que ce qu’on a pratiqué soi même.

Alors pourquoi ai-je ajouté 240h de formation pour devenir éducateur sportif? 

En 2017 j’ai commencé à proposer du Yoga en détention au Centre Pénitentiaire de Rennes, et, à la fin de la formation suivie à l’Institut De Yoga Thérapie (IDYT) en 2019, j’ai souhaité continuer à orienter mon activité vers des pratiques de Yoga adaptées à des publics en difficulté sociales et/ou médicales. J’ai commencé à travailler avec le pôle addiction et précarité du Centre Hospitalier Psychiatrique Guillaume Régnier, en Addictologie et Troubles du Comportement Alimentaire, et naturellement à me rapprocher du réseau Sport Santé Bien Être breton

Afin de m’inscrire de plein pied dans ce dispositif piloté par l’Agence Régionale de Santé qui vise à coordonner la pratique des Activités Physiques et Sportives (APS) pour la santé, il était nécessaire de faire entrer mon activité dans le cadre légal du sport, et donc d’obtenir une carte professionnelle d’éducateur sportif.

Pour être honnête je n’ai appris que relativement peu de choses pendant cette formation, un Certificat de Qualification Professionnelle d’Animateur de Loisirs Sportifs en Activités Gymniques d’Expression et d’Entretien – CQP ALS AGEE, même comme ça c’est long 🙂 De part mon intérêt depuis toujours pour le sport et la préparation physique, et les différentes formations que j’avais pu suivre auparavant, j’avais déjà une bonne connaissance des aspects traitant de l’anatomie et de la physiologie, et de la manière de construire une séance / un cycle de séances. En revanche, dans le cadre du CQP j’ai fait un stage au sein de l’association des Cadets de Bretagne à Rennes (où j’enseigne le Yoga), et ça m’a beaucoup plu! Cela m’a donné l’occasion d’expérimenter la posture de l’animateur dans d’autres disciplines que le Yoga lors de séances de gymnastique d’entretien, gym douce, renforcement musculaire, gym adaptée sport santé, … Et là j’ai réalisé que le Yoga s’infiltrant partout, il m’était naturel, et même plaisant, de continuer à distiller les fondamentaux du Yoga dans un contexte de pratique différent, et ce d’une manière un peu « infiltrée » plutôt intéressante.

Il est possible d’animer une séance de gymnastique senior (par exemple) très classique et répondant aux attentes/besoins du public (mouvements simples et accessibles à tous, rythme et efforts adaptés,…), et, avec quelques aménagements, en portant davantage l’accent sur la respiration, le ressenti, l’attitude, on peut alors permettre aux pratiquants d’expérimenter un moment de présence à eux mêmes plus complet, plus riche – ce qui, je l’ai constaté, plaît beaucoup. En clair j’ai l’impression que les gens aiment bien faire du Yoga aussi quand ils ne le savent pas 🙃

Ma propre pratique corporelle évolue sans cesse et sort du cadre des postures de Yoga. En ce moment elle intègre de la course à pied (nu-pieds depuis quelque temps), de la natation, du surf, du mouvement, de la mobilité, du renforcement musculaire avec et sans poids additionnel,… Je continue à expérimenter, satisfaire ma curiosité, enrichir et ajuster mon vécu corporel en fonction de ce dont j’ai besoin, mon ressenti du moment – en définitive pour moi tout est un peu du “Yoga” 🙂 Cette carte professionnelle ouvre le domaine des possibles sur le “libellé” des activités que je peux légalement animer, mariant mouvement, immobilité, corps, souffle et conscience – c’est d’ailleurs un peu ce que je propose depuis plusieurs années dans le cadre des stages de Yoga pour surfeurs. Je suis donc en définitive doublement content, je vais pouvoir continuer à aller de l’avant dans le soin (au sens “prendre soin”) des plus fragiles avec le Yoga, et mon futur professionnel n’a jamais été aussi ouvert 😌🙏